La marmotte alpine : un génome peu variable

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La diversité biologique des êtres vivants diminue rapidement en raison des conséquences directes et indirectes des activités humaines, telles que la destruction et la fragmentation des habitats, ou la surexploitation et la pollution de l’environnement, qui contribuent au changements climatiques.

La marmotte alpine joue un rôle important dans l’écosystème des Alpes, car elle est un bioindicateur d’un environnement particulièrement exposé aux effets des changements environnementaux et climatiques. Cette espèce constitue également un excellent modèle pour l’étude des dynamiques comportementales et écologiques qui caractérisent les animaux sociaux et hibernants, c’est-à-dire soumis à une période de ralentissement des fonctions vitales en hiver. (Pasquaretta C. et autres, 2008).

Pour mieux comprendre la biodiversité, il est utile d’étudier le génome des organismes vivants, c’est-à-dire tout leur ADN, communément appelé matériel génétique. Chez les mammifères, presque toutes les cellules du corps contiennent une copie complète du génome, qui contient à son tour toutes les informations nécessaires au développement et à la croissance d’un organisme.

L’étude de l’ADN nous renseigne sur la diversité génétique des populations appartenant à une même espèce et fournit des informations utiles sur leur statut de conservation : les populations dans lesquelles les individus sont les plus différents génétiquement sont, généralement, en meilleure santé.

La diversité génétique au niveau moléculaire entraîne des modification de l’ADN d’un individu par rapport à un autre. À nos yeux, cette diversité se manifeste par les différentes caractéristiques individuelles (formes, couleurs, tailles, etc.), elle est héritée, influencée par la reproduction et peut être mesurée en analysant l’ADN complet ou des parties de celui-ci et, avec le temps, elle peut aussi bien augmenter que diminuer.

Une diminution de la diversité génétique peut entraîner l’extinction d’une espèce et est déterminée par des événements aléatoires (dérive génétique), la consanguinité et les goulots d’étranglement (contraction multifactorielle et numérique des individus dans une population, généralement associée à une condition négative, dans laquelle les organismes s’adaptent difficilement aux changements environnementaux, souvent causés par l’homme).

Par contre, une augmentation de la diversité génétique dans les populations d’une espèce est généralement associée à une qualité positive, dans laquelle les individus s’adaptent mieux aux conditions environnementales qui changent.

Des études scientifiques montrent que la marmotte alpine est une exception : elle a une faible diversité génétique, mais est bien équipée pour répondre aux changements environnementaux, à tel point qu’elle a persisté pendant des milliers d’années avec des populations nombreuses. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources, l’état de conservation actuel de cette espèce est une source de préoccupation mineure (Least Concern – UICN, 2008).

Selon l’article de 2020 Marmota marmota, publié dans l’importante revue de génétique Trends in Genetics (Gosmann et Ralser, 2020), la marmotte qui vit dans les prairies de haute altitude des Alpes européennes est une espèce avec un génome aux caractéristiques surprenantes qui, contrairement à la tendance générale, a une faible évolution, avec l’une des variabilités génétiques les plus faibles du règne animal et une conservation élevée au niveau moléculaire. Ces aspects sont généralement associés aux populations en déclin, comme les gorilles de montagne, le lynx ibérique et l’ours polaire.

Graphique de la diversité génomique de la marmotte alpine par rapport à d’autres espèces

Les résultats des analyses du génome et la faible diversité génétique de la marmotte alpine (Gosmann et autres, 2019), publiés dans la revue scientifique Current Biology, permettent de formuler l’hypothèse que la marmotte qui vit maintenant dans les Alpes (Marmota marmota) est très similaire au niveau génétique et morphologique à la marmotte du Lyskamm de l’Holocène.

En remontant aux origines de cette espèce, une étude phylogénétique a démontré que les marmottes apparues au Pléistocène, une époque géologique antérieure à l’Holocène, étaient de grands écureuils terrestres qui se sont diversifiés rapidement lorsque le climat de la planète est devenu plus sec, plus froid et très saisonnier (Mills K. et autres, 2023).

Répartition de l’espèce Marmota marmota

Actuellement, la marmotte alpine ne fait pas l’objet de menaces spécifiques et est une espèce protégée : elle figure à l’annexe IV de la directive Habitat (92/43/CEE) et à l’annexe III de la Convention de Berne. Elle est une espèce qui ne peut pas être chassée selon la loi italienne (157/92) et est répandue dans de nombreuses aires protégées du territoire (iucn.it).

Cependant, selon des études récentes menées sur une population des Alpes françaises, il est prévisible qu’à long terme, les changements climatiques, et notamment la sécheresse estivale, affecteront négativement la répartition globale des populations de marmottes alpines (Glad A. et autres, 2022).

D’autres activités de suivi et un accroissement des connaissances scientifiques seront nécessaires pour évaluer l’influence du climat sur cette espèce et continuer à en garantir la protection.


BIBLIOGRAPHIE

Glad A., Mallard F. 2022. Alpine marmot (Marmota marmota) distribution evolution under climate change: The use of species distribution models at a local scale in the western Pyrenees massif (France). Ecological Informatics, Volume 69, 101646.

Gossmann T.I. and Ralser M. 2020. Marmota Marmota. Trends in Genetics.

Gossmann T.I., Achchuthan Shanmugasundram, Börno S., Duvaux L., Lemaire C., Kuhl H., Klages S., Roberts L.D., Schade S., Gostner J. M., Hildebrand F., Vowinckel J., Bichet C., Mülleder M., Calvani E., Zelezniak A., Griffin J.L., Bork P., Allaine D., Cohas A., Welch J.J., Timmermann B., Ralser M. 2019. Ice-Age Climate Adaptations Trap the Alpine Marmot in a State of Low Genetic Diversity, Current Biology, Volume 29, Issue 10, Pages 1712-1720.

https://www.iucn.it/scheda.php?id=1956302166

IUCN. 2008. European Mammal Assessment.

Mills K. K., Everson K. M. Hildebrandt K. B. P, Brandler OV, Steppan SJ, Olson LE. 2023. Ultraconserved elements improve resolution of marmot phylogeny and offer insights into biogeographic history. Mol Phylogenet Evol. 184:107785.

Pasquaretta C., Ferrari C., Labriola M. C., Dumont f., Von Hardenberg A. 2008. Progetto di studio a lungo termine su life-hystory individuale e dinamiche di popolazione in esemplari di marmotta alpina (Marmota Marmota) all’interno del Parco Nazionale del Gran Paradiso (Aosta). Hystrix, Italian Journal of Mammalogy.


Photo de couverture: Sangharsh Lohakare – DNA – Unsplash. Infographie: falzonestudio.eu.

Velca Botti Chercheuse - Région autonome Vallée d’Aoste

Chercheuse du Musée de Sciences naturelles depuis 2013, elle est diplômée en Biotechnologies médicales, pharmaceutiques et vétérinaires à l’Université de Pavie. Dans le cadre de l’Unité de recherche VDNA Barcoding elle a monté le premier laboratoire de biotechnologie en Vallée d’Aoste équipé de séquenceur d’ADN. Elle s’occupe d’analyses génétiques dans les domaines nature et biodiversité, agroalimentaire et conservation du patrimoine, de conception, de vulgarisation scientifique et elle est auteure de publications.